Masques de cire
En dépit d’une entame saisissante, Masques de cire tient davantage du polar assimilé à la comédie qu’au film d’épouvante. La faute à une intrigue bavarde qui évolue en dehors de son contexte et des intentions initiales. Un traitement poussif qui occulte le potentiel du métrage.
Les années 1930 marquent un tournant dans l’histoire du cinéma. Les films parlants se démocratisent, tandis que la richesse des genres tend à s’affiner et à s’affirmer. Aventures, polars et fantastique succèdent non sans difficulté à la période expressionniste. La transition laisse dans son sillage des idées de réalisation et d’interprétation propres au muet. Cela se voit autant dans la posture des personnages que dans le cadrage des décors. Toujours est-il qu’en marge de l’émergence des grands studios intéressés par le cinéma de genre, Warner s’essaye à l’exercice avec Masques de cire. Bien moins connu que son remake de 1953 avec Vincent Price, le film de Michael Curtiz n’aura eu qu’un succès commercial mitigé.
Tourné en couleur (en technicolor bichrome), le métrage se distingue avant tout par l’atmosphère presque victorienne qui émane de l’introduction. L’on a beau se retrouver au début du XXe siècle où la capitale britannique est en pleine mutation, l’intrigue semble avoir encore un pied dans le siècle précédent. Cela se traduit par l’exposition des décors, la découverte du musée de cire, ainsi qu’à une galerie de portraits affichant une grande prestance. Cette entame remarquable pose les bases d’une ambiance très particulière et indéniablement prenante. Impression appuyée par une parfaite justification de la suite des événements et donc, de la teneur même de l’histoire.
On effectue un petit bond temporel pour se retrouver propulsé en 1933 aux États-Unis. Le cadre contraste avec ce que l’on a pu observer auparavant avec une période de l’entre-deux-guerres insouciante et festive. La légèreté du climat et d’autant plus surprenante que les conséquences du krach boursier de 1929 battent leur plein. Il ne s’agit pas ici de ressasser inutilement des faits historiques, mais de dépeindre le contexte pour mieux appréhender ce qu’il advient de l’intrigue par la suite. Car ce qui laissait augurer d’un classique (presque) méconnu de l’épouvante s’égare dans des considérations inattendues. Au-delà du premier quart d’heure achevé, le récit s’éparpille dans un mélange des genres inopportun.
Au lieu de se concentrer sur la vengeance que fomente Ivan Igor et l’activité du musée, ces éléments sont relégués à une simple finalité et non aux fondements même du scénario. Dès lors, l’intrigue délaisse toute atmosphère glauque au profit d’une approche guillerette. Alors oui, on ne se trouve pas au niveau humoristique d’un film des Marx Brothers. Cependant, certaines réparties ou situations tiennent surtout de la comédie sentimentale de seconde zone. On a tendance à privilégier les états d’âme d’une journaliste forte en gueule et pas très courageuse. Quant aux investigations, elles lorgnent du côté des polars et des gangsters en pleine période de prohibition. En pratique, cela s’avère très basique et suranné.
En dépit d’une durée relativement modeste (77 minutes),on a donc droit à un film extrêmement bavard qui perd de vue ses ambitions initiales. Et ce n’est pas le dernier quart d’heure qui entame un nouveau revirement de situation qui changera la donne. La pirouette scénaristique ne prend guère et tente de boucler la boucle tant bien que mal. On se retrouve avec un épilogue qui prête à peu de conséquences, et ce, malgré son traitement assez sophistiqué. On a droit à un amalgame inattendu du Fantôme de l’opéra et de Frankenstein vite expédié. L’effet escompté étant considérablement atténué par les frasques décrites précédemment.
Au final, Masques de cire est une incursion mineure dans le domaine de l’épouvante. Malgré un départ percutant à même d’imposer un récit inventif et une ambiance originale, Michael Curtiz se cantonne à une approche formatée. Tout comme il le fera dans sa carrière par la suite, il délaisse l’aspect horrifique ou fantastique au profit d’un mélange hasardeux entre la comédie et les films de gangsters. L’ensemble n’aurait pas été déplaisant dans un autre contexte, mais dans le cas présent, la direction empruntée est clairement hors sujet. Dommage, car les idées de mise en scène étaient variées, l’antagoniste charismatique au possible et le concept de base novateur.
Un film de Michael Curtiz
Avec : Lionel Atwill, Fay Wray, Glenda Farrell, Frank McHugh