La Nuit de la grande chaleur
Sur fond d’une invasion extraterrestre silencieuse, La Nuit de la grande chaleur essaye d’imposer une atmosphère suffocante avec peu de moyens. Le résultat s’avère en demi-teinte et plutôt discret dans le domaine de la science-fiction. La faute à un scénario sommaire et un rythme timoré qui privilégie l’inertie de la situation à une menace latente progressive. Sans grande originalité ni éclat, le film de Terence Fisher s’avance surtout comme un hommage aux productions SF des années 1950 du même acabit.
Dans les années 1950 et 1960, la science-fiction se focalise surtout sur le sujet de l’invasion extraterrestre. Majoritairement catégoriser dans le domaine des séries B, cette vague de productions met en avant les grandes peurs sociétales de l’époque. Guerre nucléaire, anticommunisme et, par extension, rejet de l’étranger. Des inquiétudes plus ou moins flagrantes qui trouvent en la présence d’une espèce hostile venue d’un autre monde, une subtile analogie. Avec La Nuit de la grande chaleur, on demeure dans des sujets de préoccupation similaires dont les influences vont des Envahisseurs de la planète rouge à L’Invasion des profanateurs de sépulture.
Il est vrai que le scénario du présent métrage semble cousu de fils blancs. Le propos est clair et ne laisse que peu de place à la surprise. Ce manque d’originalité fait directement écho à une carence budgétaire flagrante. Preuve en est avec une restriction volontaire du cadre à une poignée de lieux-clefs sur l’île qui rappellent, en de nombreuses circonstances, un huis clos. On songe aussi à ces plans rapprochés, censés masquer un budget et une décoration malingres. Cependant, l’expérience de Terence Fisher réussit généralement à dissimuler l’aspect fauché de son métrage par une mise en scène parfaitement adaptée à cette problématique, à défaut de la résoudre.
En revanche, il est difficile de faire l’impasse sur l’indigence des effets spéciaux qui, fort heureusement, ne surviennent qu’au moment du dénouement. À voir le design des extraterrestres, il aurait été de bon ton de poursuivre le traitement sous l’angle de la suggestion… En cela, le réalisateur use d’astuces simples et néanmoins efficaces. Cela tient essentiellement à ces sons lancinants, voire obsédants, qui présagent de la proximité d’un représentant extraterrestre et de sa dangerosité. Dans un ordre d’idées similaire et toutefois moins percutant, le changement de colorisation de l’image suffit à présenter le trépas des victimes. Basique et suranné, mais correct, compte tenu du contexte.
Le constat est un peu plus nuancé pour retranscrire une canicule d’autant plus improbable qu’elle survient en dehors de la saison estivale. Pour ce faire, les acteurs portent des vêtements auréolés de sueur ou complètement trempés, tandis que les femmes se dévêtissent progressivement. D’ailleurs, la connotation scabreuse du titre n’a pas échappé au distributeur français qui a saccagé le film avec l’ajout de scènes érotiques pour toucher un public différent. Il n’y a qu’à voir l’affiche de l’époque et le cliché de la pomme en corrélation avec la femme pour prendre conscience de l’étendue des dégâts. Autre point « amusant », le tournage s’est réalisé dans des conditions glaciales au sens propre.
Afin de souligner l’atmosphère étouffante des lieux, les personnages principaux et secondaires se contentent de haleter en répétant « Il fait chaud ! » ou « Quelle chaleur ! ». Au lieu d’imposer de telles considérations sommaires, il aurait été plus inspiré de privilégier certaines thématiques à peine esquissées. Comme évoqué plus haut, on distingue quelques allusions à la peur d’une attaque atomique de la part d’une nation ennemie. On peut même apprécier un rapprochement intéressant avec la dangerosité des technologies, ainsi qu’un processus de terraformation plutôt bien senti pour justifier la canicule. Cependant, cela reste trop évasif pour véritablement convaincre et en faire des points prépondérants de l’intrigue.
Au final, La Nuit de la grande chaleur demeure un film de science-fiction mineur qui prévaut surtout pour la présence de Peter Cushing et de Christopher Lee à l’écran. On salue aussi Terence Fisher derrière la caméra qui réalise de véritables prouesses pour dissimuler cahin-caha l’indigence de son budget. Il en ressort une histoire assez prévisible qui atténue l’absence de surprises par une ambiance toujours plus oppressante, et ce, en dépit de certaines ficelles grossières. À défaut de fournir un récit foncièrement anxiogène, Terence Fisher s’en sort avec les honneurs face aux velléités des producteurs. Une œuvre modeste et peu ambitieuse qui aura subi les affres de producteurs et de distributeurs peu scrupuleux.
Un film de Terence Fisher
Avec : Patrick Allen, Peter Cushing, Christopher Lee, William Lucas