Incidents de Parcours
Suite à un accident, un sportif accompli devient tétraplégique. Un ami scientifique lui propose alors l'aide d'une guenon très intelligente, Ella. Mais cette dernière, sujet d'expérimentations sordides, va rapidement devenir incontrôlable.
Décédé en 2017 alors qu'il venait tout juste d'annoncer la mise en chantier d'un septième film de zombies, George A. Romero est surtout réputé pour sa longue saga consacrée aux morts-vivants (six films tournés entre 1968 et 2009). Cependant, ce cinéaste s'est aussi essayé avec un certain succès à des films plus intimistes, dont ces Incidents de Parcours.
Au début des années 80, Romero semble vouloir s'éloigner des zombies qui ont fait son succès, mais qui l'ont aussi quelque peu restreint dans une catégorie limitée du Septième Art. La réalisation de Creepshow, écrit par Stephen King en personne, était censée orienter enfin Romero vers un cinéma plus "populaire". Mais son troisième épisode zombiesque tourné en 1985 (le Jour des Morts-Vivants) démontre que le réalisateur est plus à l'aise dans les séries B aux budgets serrés qu'il peut traiter à sa guise.
Tourné trois ans plus tard, Incidents de Parcours permet à Romero de renouer avec le thriller paranoïaque, qu'il avait déjà approché dans Season of the Witch (1972). Son héros, Allan Mann, est un homme à qui tout réussi. Brillant étudiant, sportif aguerri, il vit également une belle histoire d'amour. Mais son destin bascule à la suite d'un terrible accident qui le laisse handicapé à vie.
Jason Beghe, habitué aux seconds rôles et aux séries TV, interprète avec force et justesse cet homme devenu du jour au lendemain passif. Plaqué par sa fiancée, en froid avec sa mère, il ne devra son salut qu'à une femelle capucin, Ella. Mais la belle complicité des débuts fait rapidement place à une relation de plus en plus malsaine, les rancoeurs du héros impactant l'équilibre émotionnelle du capucin.
Comme bon nombre d'autres animaux exotiques, le singe, sous toutes ses formes, a toujours inspiré le Septième Art. Troublant complice (Max mon Amour) ou parent (Greystoke), le singe a également joué les monstres titanesques (King Kong) avec beaucoup de succès. Ici, le capucin, singe de laboratoire, s'avère être un personnage ambigu, tour à tour victime (Ella est l'objet de différentes expérimentations censées développer son intelligence) et bourreau, à l'instar d'Allan, avec qui la trouble connexion constitue l'un des points forts du film.
Attiré par les héros doubles (comme l'écrivain de la Part des Ténèbres ou le vampire maladif de Martin), Romero nous dépeint un homme assiégé par la haine et par la peur, dont Ella devient en quelque sorte le bras vengeur. Sachant faire monter crescendo la tension, Romero privilégie ici la terreur psychologique aux effets plus grossiers, n'offrant que peu d'occasions au génial Tom Savini de montrer toute l'étendue de son savoir-faire en matière d'effets sanguinolents.
Sans atteindre des sommets d'hystérie, l'épilogue, allongé sur près d'une demi-heure, est tout de même fort efficace. Il confronte Allan à Ella dans un duel où les instincts bestiaux des deux protagonistes prennent le dessus, jusqu'à une mise à mort aussi originale que brut de décoffrage.
Sans égaler les références de l'un des maîtres de l'horreur, Incidents de Parcours est un thriller fantastique de belle facture, permettant de découvrir sous un autre angle le cinéma de Romero. Disponible pour la première fois en France en Blu-Ray chez l'éditeur ESC Distribution depuis le début du mois d'août, ce film intimiste et original mérite incontestablement le coup d'oeil !
Un film de George A. Romero
Avec : Jason Beghe, John Pankow, Kate McNeil, Joyce Van Patten