Frankenstein
Au même titre que Dracula de Bram Stoker, Frankenstein est un véritable mythe fondateur du genre fantastique. Ses thèmes, entre autres le progrès scientifique ou l’appréhension de la mort, demeurent toujours d’actualité et s’adaptent aux époques si bien que l’œuvre de Mary Shelley traverse le temps sans prendre une ride. Le cinéma a tôt fait d’accaparer un tel potentiel pour le transposer encore et encore pour le grand et le petit écran. Des incursions qui donnaient quelques-unes des plus belles perles gothiques de la Hammer, mais également des étrons pas même dignes d’un pastiche à l’ambiance délurée. Cette nouvelle adaptation se révèle-t-elle intéressante et respectueuse ou ne marquera-t-elle guère les mémoires?
Bernard Rose est un réalisateur capable du meilleur (l’excellent Candyman), comme du pire (le lamentable Sx Tape). Dans le cas présent, il délaisse une vision fidèle de son modèle littéraire, comme avait pu le faire Kenneth Brannagh, pour transposer l’intrigue à une époque contemporaine. La démarche est audacieuse, la prise de risque évidente, mais le résultat reste à vérifier. Marcus Nispel avait déjà tenté pareille entreprise avec son téléfilm Frankenstein en 2004. Il en ressortait un traitement décalé, mais guère reluisant tant son histoire n’avait plus grand-chose à voir avec le roman originel. Et les choses paraissent similaires avec le présent métrage.
L’intrigue se contente de s’approprier uniquement la base, à savoir le monstre (rebaptisé Adam) et un Viktor Frankenstein des plus transparents. Ainsi, la relation qui unit le créateur et la création n’existe pas. Les liens qui les rapprochent et les conflits qui les séparent ne sont guère une préoccupation pour ce qui va suivre. Constat identique sur les motivations qui entourent l’expérience. Les propos sur la survivance par-delà la mort, sur ce qui définit l’essence même de la vie, sur l’irresponsabilité du progrès scientifique en certaines circonstances, toutes ces thématiques brillent par leur absence. Dès lors, le film sombre dans une vacuité dont il ne ressortira plus.
Après un démarrage aussi poussif que la douloureuse naissance d’Adam, l’on assistera à une errance. Une très longue errance narrative qui ne raconte rien ou presque. La découverte d’un environnement en vase clos qui précède à une évasion vers le monde et toute son hostilité qui le caractérise. Entre temps, Adam fait l’apprentissage des gestes, de la parole et des comportements à adopter avec les autres, même si ce dernier point reste assez confus dans son développement. Avec la voix off d’Adam qui suscite pas mal d’incohérences par la suite (et notamment lors du dénouement), les séquences se suivent et se ressemblent dans la plus totale indifférence.
Avec ces platitudes absconses et sa progression lénifiante, il émane une volonté «auteurisante» d’enclaver l’histoire dans un cercle vicieux de faits, de rencontres et de conséquences sans lendemain. Même la différence d’Adam n’évoque guère d’empathie tant on se contente d’aligner ses réactions et celles des autres intervenants sur un fil conducteur à la linéarité confondante. Comprenez que le déroulement demeure prévisible de but en blanc, et ce, malgré l’inconstance rythmique du métrage et les contradictions qu’ils véhiculent. Il en découle une piètre tentative de moderniser Frankenstein avec, non pas un manque de moyens flagrant, mais trop peu de bonnes idées pour offrir une vision innovante, à tout le moins censée et cohérente.
Modeste de par ses ambitions, le Frankenstein de Bernard Rose reste tout aussi timoré dans son ensemble. En soi, la libre adaptation n’est pas un mal. Toutefois, cette version est dépourvue d’un traitement de fond plausible. Le réalisateur (également scénariste) se contente de régurgiter un accouchement douloureux dans un monde qui n’accepte guère la différence. En dehors d’un discours sur la marginalisation de l’individu, l’intrigue n’offre rien de consistant. Progression saccadée et entrecoupée par de trop nombreuses longueurs narratives, personnages fades et peu développés, relations des protagonistes jetées aux oubliettes... Il en ressort une impression bancale et mitigée. Ce même sentiment que le métrage manque cruellement de finitions, d’originalité et d’un semblant d’atmosphère pour en faire un objet intéressant. Dispensable.
Un film de Bernard Rose
Avec : Carrie-Anne Moss, Xavier Samuel, Danny Huston, Tony Todd