Evil Dead
Une date dans l'histoire du cinéma d'horreur et la naissance d'un réalisateur majeur du genre. Un film culte, certes, teinté d'amateurisme mais dont le manque de moyen est largement compensé par une inventivité et une folie de tous les instants.
Le scénario est d'une formidable simplicité. Cinq personnes, deux hommes et trois femmes, décident de passer un week-end dans une petite maison qu'ils ont loué pour une bouchée de pain en forêt. Après avoir évité une collision avec une camionnette et traversé un pont en fort mauvais état, ils parviennent enfin jusqu'à une petite maison perdue au beau milieu de la forêt. Ils s'installent tranquillement dans la maison. Plus tard, dans la soirée, Ash et son ami Scotty trouvent au fin fond du sous-sol de la maison, un enregistreur magnétique, une étrange dague, et un curieux ouvrage. En écoutant la bande, ils apprennent que la forêt qui entoure la maison serait le repère de démons qui, par la récitation à voix haute de certaines incantations, auraient le pouvoir d'investir les corps des être vivants et de les plier à leur volonté. L'enregistrement, réalisé quelques années plus tôt par le professeur Knoby, se poursuit et enchaîne sur divers mots et expressions, incompréhensibles pour nos cinq amis. Bientôt, Cheryl est possédée par un démon et va s'attaquer à ses amis...
Peut-on faire un pitch plus simple ? Cinq personnes dans une maison. La forêt tout autour est le lieu de prédilection de démons. Les uns après les autres, ils sont la proie des démons et sont contraints de s'entretuer.
Sur un script pas franchement réjouissant sur le papier, Sam Raimi a accouché d'un film d'horreur totalement novateur pour son époque. Rappelons qu'en 1982, sortaient des films comme Halloween 3, Amityville 2, Meurtres en 3-D, The Thing... Bref, peu de véritables chefs d'oeuvre (excepté The Thing de Carpenter). Donc à l'époque, en matière de films d'horreur, le paysage était assez pauvre ou de qualité médiocre. Le jeune Sam Raimi et ses 24 printemps débarquent avec Evil Dead et là, c'est le choc. Tourné en moins de 12 semaines, le film, doté d'un budget de $300,000, fait l'effet d'une bombe. Véritable monument au niveau de sa réalisation, le film fait un carton et devient rapidement un film culte.
La grande force d'Evil Dead réside dans sa mise en scène, très énergique, et dans ses scènes gores originales. Des mouvements de caméra qui deviendront très vite une forme de signature que l'on retrouvera dans la plupart des films de Raimi (se repasser The Quick & The Dead ou Spiderman pour s'en convaincre). Mais le film n'est pas seulement dominé par les prouesses techniques de la réalisation. Raimi s'applique à instaurer avant tout un climat particulier. L'utilisation de fumée dans les bois, les décors naturels filmés durant la nuit et cette petite maison, faite de planches de bois, permettent à Raimi d'installer une ambiance sombre, oppressante et offrant d'innombrables possibilités en matière d'effets de surprise.
Si, visuellement (on ne le dira jamais assez !) le film est impressionnant, on ne peut pas en dire autant des effets spéciaux. Certes, il faut se replacer dans le contexte et imaginer quelques instants la qualité générale des effets spéciaux dans les films d'horreur de l'époque. Il ne faut pas oublier que le budget de Raimi était des plus serré donc, les effets spéciaux ont été réalisés un peu avec les moyens du bord. Mais attention, les maquillages n'ont pas été faits par-dessus la jambe non plus. S'ils sont assez sommaires la plupart du temps (le maquillage du démon dans le sous-sol, celui de Scotty, de Shelly...), ceux des dernières scènes sont remarquables (la décomposition des deux derniers démons) et font parfaitement illusion. Le sang coule à flot et notre bon vieux Ash en fait les frais tout au long du film (le sang lui gicle au visage pratiquement à chaque décès d'un démon).
Evil Dead pourrait paraître bien vieillot pour les jeunes d'aujourd'hui qui découvrent le cinéma fantastique et d'horreur. Mais il faut savoir que si certains films d'horreur ont autant de succès de nos jours, ils le doivent bien quelque part, à leurs paires. Qu'aurait été le cinéma fantastique s'il n'y avait pas eu ces maîtres de la réalisation tels que : John Carpenter, Wes Craven, David Cronenberg, George A. Romero... et Sam Raimi. Sans eux, le cinéma fantastique ne serait sans doute pas ce qu'il est aujourd'hui, un genre à part entière. Tous ces réalisateurs ont marqué de leur empreinte indélébile et à leur manière, le cinéma fantastique. Et Sam Raimi fait désormais partie des grands réalisateurs du genre. Il a évolué – et dans le bon sens – et a acquis maintenant une certaine maturité cinématographique, pourrait-on dire. Ses récentes oeuvres le prouvent, et avec brio (Intuitions, Spider-man), qu'il est toujours un réalisateur inspiré et sur lequel il faudra compter dans les années à venir.
Un film de Sam Raimi
Avec : Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Richard DeManincor, Betsy Baker