Voir la fiche complète du film : Exte (Sion Sono - 2007)

Exte - Critique

Un film singulier qui aime à détourner les codes de la J-Horror avec une tonalité grand-guignolesque évidente. Il en ressort une approche excentrique qui ne convient pas forcément à des sujets aussi sombres que le trafic d’organes ou la maltraitance infantile. Exte s’écartèle entre deux visions aux antipodes pour ne convaincre qu’à moitié.

Publié le 14 Avril 2021 par Dante_1984
Voir la fiche de Exte
6

Après les succès de The Ring et The Grudge, entre autres, la vague de films d’horreur asiatiques des années 2000 a déferlé sur le marché international. Bien que les mécanismes soient grandement similaires d’une incursion à l’autre, il s’en est dégagé quelques moments appréciables, comme l’atteste Dark Water ou The Eye. Cependant, la surexploitation d’un sujet a donné lieu à un manque d’inspiration flagrant, étiolant le potentiel initial à une redite constante de récits par trop semblables. Entre deux sorties opportunistes, Sion Sono s’essaye alors au genre ; lui qui d’ordinaire est davantage versé dans le drame, le thriller, voire la comédie fantasque.

 

Exte, c’est tout d’abord un pitch intrigant et passablement saugrenu. Celui où une malédiction se propage à travers les cheveux de la victime qui poussent de manière permanente. De là à se retrouver confronté avec des extensions capillaires psychopathes, il n’y a qu’un pas. On peut avancer qu’un tel scénario est représentatif de l’excentricité d’une certaine frange du cinéma nippon. Celle-là même où le surjeu des acteurs rejoint l’exubérance d’histoires improbables et hallucinées. En partant de ce postulat, on serait enclin à classer le présent métrage dans la catégorie comédie horrifique. Ce qu’il n’est pourtant pas…

Certes, on distingue une approche iconoclaste qui met en avant un second degré de circonstances. Les frasques d’un antagoniste, fétichiste des cheveux à ses heures perdues, vont en ce sens. Cela vaut aussi pour de nombreuses incursions paranormales où les attaques et les phénomènes surnaturels font fi de tout réalisme. On songe à la propagation exponentielle des cheveux ou à ses comportements capillaires bizarres qui font s’étendre les extensions aux quatre coins d’une pièce. On part même dans des délires grand-guignolesques avec un final sans queue ni tête où l’on se confronte à une tonalité cartoonesque.

 

La carte de l’excentricité reste donc pleinement assumée. Le détournement d’un des symboles de la J-Horror, à savoir les longs cheveux noirs, trouve ici une interprétation farfelue. En règle générale, on adhère ou pas à un tel parti pris. En revanche, cette propension à mélanger les genres demeure plus délicat à aborder. En l’occurrence, le cinéaste n’oublie pas de vue qu’il est en charge d’un film axé sur l’horreur, l’épouvante qui découle d’une malédiction. Preuve en est avec un démarrage relativement patient où le metteur en scène de Suicide Club développe ses personnages et pose le contexte.

Dès lors, on a droit à des thématiques réalistes qui sont abordées avec la gravité et le pragmatisme nécessaires. La maltraitance infantile est avancée de manière constante avec une souffrance physique et psychologique prégnante. Pour les flashbacks disséminés çà et là, le trafic d’êtres humains et d’organes lorgne avec mesure vers le torture-porn. En termes de mise en scène et d’approche, le ton demeure pesant, très sentencieux et nihiliste à certains égards. Mais ces effets s’annulent face à une alternance continue avec les atours comiques évoqués en amont. Le traitement reste donc superficiel, chaotique et les intentions qui découlent de ces aspects n’ont pas l’impact escompté.

 

Au final, Exte se révèle un film d’horreur coincé entre deux courants. D’une part, on distingue une propension évidente au second degré avec des caractères expansifs et une tonalité excentrique. D’autre part, Sion Sono évoque des sujets qui lui permettent de renouer avec la dureté de ses productions dramatiques. Un choix qui s’avère plus pertinent pour illustrer une malédiction et développer l’aspect oppressant de la partie horrifique. Malheureusement, ce travail ne se révèle guère probant devant une connotation saugrenue qui prend le pas sur toute autre considération. Une œuvre originale et irrévérencieuse, mais inaboutie en raison de son approche schizophrénique du genre.

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Prince Of Persia : les Sables du Temps

Prince Of Persia : les Sables du Temps

Dans la Perse antique, un prince est accusé à tort du meurtre de son père. Contraint de s'enfuir avec une princesse rebelle, il va tenter de déjouer le complot qui pèse sur sa personne et découvrir une dague capable de faire remonter le temps. À l'époque du premier jeu vidéo de cette splendide saga (1989), Jordan Mechner était bien loin de s'imaginer le succès retentissant de son futur bébé. Très...
Carnival Row

Carnival Row

Lorsqu’on évoque la fantasy, le genre est synonyme de merveilleux. Certes, ce n’est pas une constance, surtout si l’on se penche sur les récits de dark fantasy. Cependant, il est difficile de ne pas associer l’imaginaire avec cette magie prégnante et cette sensation dépaysante aux confluences multiculturelles ; qu’elles soient fictives ou réelles. Tout l’enjeu...
Vendredi 13

Vendredi 13

En 1980, le réalisateur et producteur américain Sean S. Cunningham lançait Vendredi 13 , premier opus d’une saga horrifique qui, à ce jour, compte déjà douze épisodes. Le postulat est toujours le même : des adolescents se font tour à tour massacrer à Crystal Lake, en pleine campagne, par un tueur fou connu sous le nom de Jason, qui cache les traits de son visage derrière un masque de hockey. Il...
Brynhildr in the Darkness

Brynhildr in the Darkness

Avec Elfen Lied , chef d’œuvre incontesté, Lynn Okamoto offrait à l’animation japonaise l’une de ses plus sombres et poignantes histoires. Une petite dizaine d’années plus tard, son successeur connaît également une adaptation télévisée. Sans être une suite directe, il est facile d’y déceler la patte graphique et les thèmes exploités par le mangaka. Si Elfen Lied...
Fright Night

Fright Night

Grâce, ou à cause de Twilight , les vampires sont revenus à la mode. Depuis quelques années, on en bouffe jusqu'à plus faim et même si parfois les surprises sont assez savoureuses, il y a d'innombrables déchets, dont la saga inventée par Stephenie Meyer . Néanmoins, après des films comme 30 jours de nuit ou Daybreakers , on peut espérer avoir un film de vampires qui tient la route et qui...
Exte
Réalisateur:
Durée:
108 min
7.2
Moyenne : 7.2 (5 votes)

Devinez le film par sa tagline :

Ceci n'est pas un conte de fées !
Score actuel : 0
1 pt par bonne réponse, sinon -1 !