Dôme
En 2009, Stephen King signe l'un de ses plus longs textes avec Le fléau et Ça : Dôme. Un roman-fleuve de près de 1600 pages où l'on suit le quotidien de Chester's Mill, une petite bourgade du Maine, prisonnière d'un dôme invisible et impénétrable. La qualité et le succès du livre n'étant pas vraiment une surprise, il paraissait inévitable pour voir son adaptation télévisée sortir des cartons. Initié en 2011, le projet se concrétise rapidement et c'est en 2013 que l'on nous offre une première saison que l'on peut rapprocher sensiblement du premier tome. La série est-elle fidèle au roman ? Retranscrit-elle l'ambiance si particulière qui se dégageait au fil des pages ?
Faudrait peut-être arrêter de vivre dans ta bulle.
L'on part sur des bases plutôt solides. Outre un budget confortable (environ trois millions de dollars par épisode), l'équipe en charge de la mise en scène n'en est pas à un coup d'essai. Entre Millénium, Lost, Alphas ou Alcatraz, les réalisateurs ne sont pas des manches. Si cela peut paraître évident, on saluera également le choix du format pour une telle histoire. Un film ou même une mini-série (comme on a déjà pu le voir avec d'autres adaptations de Stephen King) sont bien insuffisants pour retranscrire toute la subtilité et les intrigues secondaires de Dôme. Pour ce qui est des intentions, du potentiel et des moyens mis à disposition, la production se montre compétente, consciente des enjeux. Autrement dit, impliquée et appliquée ; ce qui est assez rare pour le souligner.
Seulement la frénésie et l'enthousiasme passé, il convient de se pencher sur le résultat final. Tout comme le roman, il est difficile de prime abord d'assimiler tous les intervenants. La profusion de personnages principaux et secondaires se révèle tellement dense en un laps de temps assez court qu'il peut décontenancer. On a du mal à saisir tous les tenants et aboutissants tant les points de vue sont multiples et s'imbriquent tôt ou tard les uns aux autres. On comprend mieux pourquoi Stephen King a jeté l'éponge par deux fois avant de concrétiser cette histoire de longue date. La complexité apparente possède tellement de ramifications et de possibilités que l'on peut s'y prendre très facilement.
Bientôt, l'endroit le plus sûr et le plus tranquille de Chester's Mill.
Bien entendu, les connaisseurs du récit original partent avec une longueur d'avance et ne seront pas forcément dépaysés. En ce qui les concerne, ils s'amuseront davantage à jouer aux sept erreurs en comparant la fidélité de la série au roman. Et c'est sur ce point que Dôme divise les foules. On retrouve la trame principale du livre, mais rapidement l'intrigue s'écarte clairement de son modèle. Certains pans sont oubliés tandis que d'autres sont développés plus que de raison. On a du mal à saisir l'intérêt d'un tel revirement, surtout que les passages occultés n'étaient pas un obstacle pour l'adaptation. Au fil des épisodes (si vous en ratez un, vous risquez de ne plus rien comprendre), on s'éloigne sensiblement du matériau de base.
Non pas qu'il le dénature, mais semble emprunter des chemins de traverse qui ne plairont pas forcément à tous. Je pense en particulier aux puristes. Sans dévoiler des éléments importants, on peut citer la survivante Angie (qui mourrait dans le livre) ou l'absence du chien de Rose ou des adjoints de police sadiques. On ne fera pas de liste exhaustive, mais cela enlève une part non négligeable du climat angoissant qui se tisse dans le roman. On notera également que la psychologie des personnages n'est pas forcément respectée. Big Jim paraît beaucoup moins antipathique, son fils moins dérangé du bulbe (à la limite, il ressemble davantage à une victime de l'influence de son père qu'un véritable bourreau).
La situation est désespérée alors gardez la foi.
Encore une fois, on ne prendra pas le temps de décrire toutes les différences, mais elles sont assez nombreuses. Une dernière pour la route : la pseudo-complicité pendant la majeure partie de la saison 1 entre Barbie et Big Jim qui, en d'autres lieux, ne savent pas se voir en couleur dès le début. Toujours est-il que le casting se montre talentueux et impliqué dans leur rôle. Aucune fausse note de ce côté avec des nuances assez discrètes et subtiles pour passer du désarroi, à la colère ou au désespoir. Qu'il s'agisse de jeunes acteurs ou pas, chacun offre le meilleur de lui-même afin de faire vivre cette petite communauté. Ce constat vaut également pour les figurants.
Malgré une narration qui semble partir dans toutes les directions, le montage s'avère soigné et adéquat à la progression de la situation. Petit à petit, la tension s'installe sans se perdre dans des atermoiements pénibles. La série est agencée de telle manière à entretenir le suspense et dispose d'effets spéciaux convaincants, sans toutefois prendre le pas sur l'intrigue et le symbolisme sous-jacent qui en découle. En dépit du cadre restreint (enfin presque), les séquences se suivent énergiquement et offre une variété bienvenue. Autrement dit, l'on ne s'ennuie pas un seul instant et, comme le livre, on veut poursuivre sans s'arrêter (ou presque, vu la durée générale). Dénouement qui pourra en frustrer plus d'un jusqu'à la prochaine saison.
Les étoiles roses tombent du ciel...
Au final, Dôme est une série immersive à l'esthétique sans faille. Grâce à un scénario prenant, des acteurs talentueux et une progression assez dynamique, cette adaptation du roman éponyme mérite que l'on s'y attarde. Petit bémol à l'horizon, une certaine liberté prise par rapport au matériau de base qui, sans le desservir, s'octroie de trop nombreuses largesses. Cette fidélité perfectible empêche d'être en présence d'un événement marquant et incontournable. Il demeure tout de même un très bon moment et un palliatif pour ceux qui seraient découragés pour entamer l'aventure des deux livres. En somme, une adaptation assez permissive, mais dotée de qualités évidentes. Aussi, il serait dommage de faire l'impasse pour quelques a priori.
On accroche toujours autant ?
Saison 2: Après s’être attaché assez fidèlement au premier livre de Stephen King, il paraissait logique d’attendre pour cette deuxième année, une adaptation aussi soignée et respectueuse de son modèle. Or, Dôme laisse de côté toute cohérence afin d’étaler la multitude de pistes à leur maximum. Il en ressort un sentiment mitigé, où les personnages (parfois aux antipodes de leur caractère dans le roman) s’éparpillent autant que l’intrigue pour s’aventurer dans des directions différentes, voire opposées et plus que discutables pour la suite des événements à venir. Au lieu de conclure la série en apothéose en reprenant la trame du tome2, on sent une certaine redondance dans la progression, ainsi qu’une démarche controversée pour poursuivre la série jusqu’à cinq saisons selon le souhait des producteurs... (5/10)
Saison 3 : 4/10
Un film de Niels Arden Oplev, Jack Bender
Avec : R. Keith Harris, Colin Ford, Richard Bachellor, Dave Blamy