Duel

On suit ici le parcours d'un homme à priori banal qui suite à une altercation avec un camionneur voit sa vie menacée.

Le film nous place continuellement du point de vue cet homme et du coup nous met dans une phase d'immersion avec le personnage plutôt réussi.

Intéressant de noter la montée graduelle de la tension tout au long du film. De même, on voit le désespoir gagner le protagoniste tout dans le même temps qu'on assiste à la lente agonie de sa voiture qui est son seul moyen de salut.

Si les raisons du camionneur sont assez floues, l'altercation de base en est le motif explicite mais reste en lui-même assez étrange, on peut aussi noter que le personnage n'est jamais montrer comme pour lui donner plus corps encore avec son véhicule. C'est aussi pour alimenter la paranoïa du protagoniste qui va chercher l'identité de celui-ci d'après un indice particulier, les bottes, sans jamais obtenir gain de cause. On notera aussi son sauvetage d'un bus scolaire comme pour nuancer la noirceur apparente de l'individu.

Il est intéressant également de noter le sentiment d'isolement du héros qui finalement ne trouve guère le soutien espéré auprès des autres gens qu'ils rencontrent, d'autant plus accentué par ses routes presque désertiques.

Le final est marquant car au bord du désespoir le protagoniste n'a plus qu'une option et son piège portera finalement ses fruits, traduisant la puissance de l'instinct de survie humain. En agissant ainsi, il développe en lui cette volonté et cette assurance qui lui faisait défaut au départ, illustré par son appel téléphonique à sa femme au début de l'histoire.

Un bon film qui souffrent malheureusement de beaucoup de lenteurs mais qui se rattrapent par sa montée de tensions, par cet antagoniste imposant et froid, par ce côté survival de la route mais aussi l'évolution progressif de son personnage principal.

Steven Spielberg n'était qu'un illustre inconnu à l'époque, et ne bénéficiait alors pour son premier essai que de quelques billets, tout juste de quoi réunir un énorme tas de ferraille au carénage menaçant, orné de diverses plaques d'immatriculations semblables a des trophés, ainsi qu'une Plymouth Valiant à la mécanique défaillante : le prédateur et sa proie ... La quasi-totalité de ce film n'est qu'une interminable course-poursuite sur les routes désertes de Californie, entre un pauvre bougre qui n'avait rien demandé à personne (excellent Dennis Weaver) et le mystérieux chauffeur d'un imposant camion, personnifié ici comme un véritable monstre de métal ...

Les clés de la réussite ? Un suspense parfaitement maîtrisé, le rapport de forces déséquilibré entre le prédateur et sa proie, les paysages désertiques de l'arrière-pays californien, obligeant la victime à ne compter que sur la fragile mécanique de sa voiture, l'identité mystérieuse du chauffeur du camion (on ne voit jamais son visage), le climat de paranoïa, avec la fameuse et excellente scène du restaurant routier, et pour finir un rythme parfaitement dosé !

A noter que Duel ne devait être à l'origine qu'un téléfilm, mais que son incroyable succès l'ammena à être exploité en salles, propulsant définitivement son réalisateur (25 ans à l'époque) sur le devant de la scène. Douze jours de tournage auront suffi à imposer Steven Spielberg dans le paysage hollywoodien ... Respect !