4bia - Phobia

Recueil de quatre histoires et réalisé par quatre réalisateurs différents, 4bia surprend le spectateur de bien des manières au cours de son visionnage. Tout débute avec le segment Solitude (Happiness) de Youngyooth Thongkonthun. Un cinéaste que je ne connais pas du tout, mais dont je découvre tout le talent grâce à un segment incroyable. Une jeune femme est confiné chez elle suite à un accident de voiture. Par hasard, elle converse avec un inconnu par le biais de son téléphone portable. Si le procédé n’est pas nouveau, il confère à l’histoire une dimension inattendue et stupéfiante. La plus grande particularité de l’histoire étant l’absence de dialogues. Déstabilisant aux premiers abords, c’est ce qui révèlera toute la puissance de l’histoire. Tout se joue sur une réalisation intimiste et sans fioriture. Le réalisateur installe sur 25 petites minutes une ambiance glauque et oppressante n’ayant rien à envier aux illustres fleurons du genre. Au-delà de ce climat irréprochable, on découvre une critique sociale discrète, mais bel et bien présente. En effet, le cinéaste dénonce une déshumanisation progressive et latente de nos relations sociales. Au lieu d’être un moyen de communication complémentaire et pratique, la technologie nous éloigne les uns des autres. Un paradoxe qui se vérifie au quotidien et dont nous en sommes plus ou moins conscient. Bref, une première histoire simple, mais réaliser avec un talent rare. A la fois inventif et astucieux, Youngyooth Thongkonthun nous donne une leçon de cinéma muet moderne.

On enchaîne avec Le charme mortel (Tit for tat) de Paween Purikitpanya, auteur de Body #19 dont je vous donnerais prochainement des nouvelles. Un second récit moins suggestif que son prédécesseur, pour ne pas dire l’exact contraire. En contrepartie, il se révèle davantage spectaculaire et frénétique. Ngeed subit les tortures physiques et psychologiques de ses « camarades » de classe. Il décide de se venger grâce à la magie noire. Contrairement au procédé classique laissant planer le doute sur la vengeance du spectre, on nous explique dès le départ les raisons de celle-ci en narrant les faits dans l’ordre chronologique. Le charme mortel n’est pas dénué de qualités, mais les effets spéciaux utilisés à outrance sont handicapant sur le long terme, puisque l’histoire ne dure que 22 minutes. D’autant plus que ceux-ci sont grotesques et disgracieux. Toutefois, le réalisateur tend à réunir le folklore thaïlandais avec l’efficacité des histoires occidentales. En clair, Art of the devil rencontre Destination finale. Le premier pour l’utilisation de la magie noire et les coutumes ancestrales sur la vie après la mort. le second pour ses meurtres ingénieux qui semble le fruit du hasard, mais il n’en est rien. Paween Purikitpanya offre un récit palpitant et néanmoins, dénué de crédibilité. La faute à des choix de réalisation peu judicieux empêchant de s’impliquer correctement dans l’histoire.

L’homme au milieu (In the middle) est réalisé par Banjong Pisanthanakun, co-réalisateur des excellents Shutter et Alone. Un segment s’attelant à l’autodérision où un groupe de jeunes se retrouvent pourchasser par le fantôme de l’un d’eux lors d’une randonnée. le réalisateur rappelle, non sans une pointe de railleries, que les films de fantômes asiatiques manquent cruellement d’originalité et se répètent inlassablement. Clou du spectacle, il n’hésite nullement à citer ses propres films. En l’occurrence, Shutter et son plagiat éhonté de Titanic !? Toujours est-il que le ton sarcastique employé ne nuit nullement à l’atmosphère découlant du récit. Banjong Pisanthanakun parvient, sans le moindre mal, à effrayer et nous amuser en même temps. 20 petites minutes où les références cinématographiques fusent dans tous les sens. Attention aux spoilers, si vous n’avez pas vu les films cités (Shutter, Titanic, Sixième sens et Les autres). Angoisse et humour sont au menu de ce merveilleux troisième segment.

Quatrième et dernier segment de 4bia, Le dernier vol (Last fright) narre l’histoire d’une hôtesse de l’air contrainte de servir une princesse acariâtre de son vivant et d’escorter son cadavre vers son pays natal dans un vol à haut risque. Réalisé par Parkpoom Wongpoom (également co-réalisateur de Shutter et Alone), Last fright est, à mon avis, l’épisode le moins réussit de l’anthologie. Certes, prendre l’avion pour cadre unique demeure audacieux. Cependant, l’histoire tend à sombrer dans le conventionnel et ce, malgré des idées intéressantes à exploiter. Peut-être est-ce dû à la qualité exceptionnelle du premier et troisième épisode que le second et quatrième paraissent banals. Toujours est-il que ces derniers restent très honorables compte tenu des productions actuelles. Sans révolutionner le genre, 4bia a le mérite d’apporter un peu de nouveauté dans le cinéma fantastique asiatique. Parfaitement conscient que celui-ci a besoin de se renouveler sous peine de perdre son public, 4bia ne révolutionne pas le genre, mais parvient à susciter l’enthousiasme. Il prouve sans difficulté que l’Asie peut encore fournir un cinéma de genre original et effrayant.