Une fois encore, l’association Spectre films a organisé un festival fantastique de qualité dans la ville de Strasbourg.
En ouverture, le FEFFS proposait un film très attendu, Le dernier exorcisme réalisé par Daniel Stamm et produit par l’un des comparses de Quentin Tarantino, Eli Roth. Mettant en scène l’histoire d’un prêtre, Cotton Marcus, qui profite de la crédulité de ses ouailles pour s’enrichir, Le dernier exorcisme est tourné selon le procédé de la « télé-réalité » : une jeune journaliste et son cameraman suivent le dernier exorcisme du prêtre qui, s’étant progressivement rendu compte de son absence de foi, décide de dévoiler l’intégralité des trucages auxquels il a recours. Cependant, son dernier cas va le pousser à réviser son athéisme. Ainsi, si le film semble tout d’abord se déployer sur un ton ironique, le prêtre dévoilant sans réserve chacune de ses arnaques – le réalisateur Daniel Stamm joue, avec parfois un réel manque de finesse, sur la déconstruction des archétypes forgés par L’exorciste, de William Friedkin –, la terreur prend progressivement le dessus. Le réalisateur délaisse alors le ton sarcastique de son long-métrage pour se concentrer sur la possession supposée de la jeune femme concernée par ce dernier exorcisme : le film prend alors la forme d’un documentaire qui tourne au désastre, obligeant les participants à s’immerger dans un mal qui, a priori, ne devait relever que du simple trucage.
Le défaut principal du long-métrage repose sur sa dernière partie, nettement moins bien charpentée, rapidement expédiée. Cependant, le film de Stamm est intéressant dans la mesure où il pose une question relative au cinéma d'horreur actuel : comment continuer à croire à l’horreur, à l’irrationnel, alors même que le principe de réalité (notamment par la généralisation de la technique de la caméra à l’épaule) prend chaque jour plus d’importance ? Le documentaire supposé dénoncer les trucages du prêtre finit par enregistrer la possession maléfique, bien réelle, de la jeune femme. La dénonciation de la superstition tourne, in fine, à la prise au propre d’un phénomène irrationnel.
Pour continuer sur les films présentés hors compétition, il convient de dire quelques mots au sujet de Kaboom, présenté lors de la cérémonie de clôture, réalisé par Gregg Araki. Parodie déjantée et trash des comédies de campus, reprenant, sur un mode rock’n roll, l’atmosphère des Lois de l’attraction, roman de Bret Easton Ellis adapté au cinéma par Roger Avary en 2002, Kaboom est un film décalé jouissif et gonzo. Narrant les péripéties de jeunes étudiants pris dans la nasse d’un complot absurde et incompréhensible, Kaboom est un grand détournement des codes propres aux comédies de campus, détournement d’autant plus réussi qu’il est formellement maîtrisé et doté d’un scénario abracadabrantesque réellement fun.
Bref, un long-métrage qui, malgré quelques petites touches de roublardise et la prégnance, parfois très voyante, de ses influences – l’atmosphère du film doit beaucoup à David Lynch ainsi qu’au Donnie Darko de Richard Kelly –, devrait satisfaire tous les amateurs de comédies irrévérencieuses, impertinentes et doucettement transgressives.
La compétition officielle a consacré Buried, Meliès d’argent et prix du public, ainsi que Zwart Water, Mention spéciale du jury. Votre serviteur n’ayant malheureusement pas eu l’opportunité de voir le premier film mentionné, grand vainqueur de la compétition, il ne pourra s’attarder sur celui-ci. Zwart Water, premier long-métrage du réalisateur hollandais Elbert van Strien, méritait amplement le prix qu’il a obtenu. Variation autour du film de fantôme – une famille s’installe dans une grande maison à la campagne, dans laquelle le fantôme d’un enfant décédé des années auparavant hante les lieux et n’apparaît qu’aux yeux de la fille unique du couple –, Zwart Water est un film à la facture classique, proprement filmé, fin et soigné. Si le metteur en scène ne s’extirpe que très rarement des archétypes propres à ce type de récit, il n’en reste pas moins vrai que Zwart Water, par la qualité de sa réalisation, par le sérieux qui en émane, fait montre de qualités indéniables.
Le traitement psychologique des différents personnages, certes attendu et parfois réellement démonstratif, est clair et précis ; les scènes de terreur construites autour du lien unissant la mère de famille et sa fille tirent le film vers le haut. Quelques défauts, inhérents à un premier film, se font toutefois sentir : l’épilogue, par son effet de surprise, déconstruit une partie du récit, démontrant que le principe même du twist reste à manier avec précaution, sous peine de détruire l’édifice générale du long-métrage. De plus, plusieurs scènes de terreur auraient pu être davantage développées ; en effet, elles tirent vers le mélodrame alors même qu’elles auraient pu relever du seul domaine de l’effroi. Cependant, nonobstant ces quelques défauts, récurrents mais légers, Zwart Water est un film de fantôme réussi, sorte de version hollandaise de L’orphelinat, de Juan Antonio Bayona, récent mètre-étalon en la matière.
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