Exilé
Johnnie To, réalisateur Hongkongais découvert en Europe au début des années 2000 grâce aux polars The mission et Fulltime killer, poursuit son exploration des gunfights et perfectionne son style visuel dans Exilé, l’un de ses meilleurs films, sorti en France dans l’anonymat le plus complet au cours de l’été 2007.
Le scénario est minimaliste. Cinq amis d’enfance vont se souder les coudes pour sauver l’un d’entre eux des griffes du chef d’un cartel de Macao prêt à tout pour le liquider. Naturellement, toutes les « péripéties cinématographiques » caractéristiques du genre vont survenir : gunfights, moments de bravoure et de lyrisme, scènes d’action à couper le souffle.
La maestria formelle dont Johnnie To va faire preuve est particulièrement impressionnante, car – et c’est là qu’Exilé frappe très fort – le réalisateur a l’intelligence de réduire son film à une pure expérience sensorielle, visuelle et formelle, sans se soucier des nécessités scénaristiques ou matérielles. Peu importe le nombre de balles utilisées ou l’impossibilité pratique pour les personnages d’effectuer tel ou tel type de mouvement : tout est fait pour mettre en musique des affrontements d’une beauté à couper le souffle, orchestrés de façon mémorable par le réalisateur Hongkongais. Car, si réduire Exilé au simple genre du film d’action serait une erreur, les temps forts (fusillades, scènes d'action, gunfights) dynamitent le film avec une puissance rarement égalée dans le genre. L’intensité des règlements de compte est digne des meilleurs Sergio Leone ; la qualité de certaines scènes d’action rappelle le John Woo de la grande époque (The Killer). Bref, Jonnie To fait montre d’une maîtrise totale de son art.
Tout en mélangeant différents styles sans pour autant que son film ne tourne à l’éclectisme ridicule – contrairement au navrant Kill Bill de Tarantino, célébré pour ses emprunts mal compris à divers types de cinéma – Johnnie To garde son sérieux. Exilé n’est pas une pochade, une farce destinée à caricaturer un certain cinéma de genre. S’il reste un pur divertissement, Exilé est un film merveilleux dans le sens où To utilise les veilles recettes de ce type de cinéma mais sait les remettre à jour d’une façon si jouissive et si belle qu’il est impossible de rester de marbre devant un tel spectacle. Le seul « défaut » inhérent à Exilé est que cette oeuvre constitue un « film-limite » du genre : en effet, comment concevoir de faire mieux ? Un seul réalisateur pourra-t-il égaler la maestria dont fait montre le maître To dans ce film ? Car, il faut bien le reconnaître, Exilé est au film de gunfights ce que Le bon, la brute et le truand était au western et ce que Chinatown représentait pour le « film noir » : le paroxysme d’un style, la quintessence de tout un système, la compréhension parfaite des codes d’un genre défini.
Il convient d’ailleurs d’ajouter que To, après Exilé, a enchaîné avec le splendide Sparrow qui, entre maîtrise visuelle et hommage aux films populaires et aux films muets, est une œuvre remarquable.